Pris dans leur ensemble, les objectifs du curriculum québécois peuvent être de trois types:
À l'intérieur de chacun des types, les verbes se présentent dans un ordre hiérarchique, du plus simple au plus complexe.
Voici la liste hiérarchique de ces 18 verbes, de même qu'une brève définition de chacun. Nous les détaillerons par la suite.
OBJECTIFS EXPÉRIENTIELS (le vécu personnel)
Réaliser des activités accomplies pour elles-mêmes, dans une perspective de découverte intuitive et de recherche de sensations.
Rapporter des faits ou des caractéristiques de son vécu personnel.
Observer et caractériser des éléments de sa propre action.
OBJECTIFS COGNITIFS ET PSYCHOMOTEURS (les habiletés)
Les habiletés intellectuelles
Prendre conscience d'un phénomène, en reconnaître l'existence et acquiescer à l'interprétation proposée.
Repérer ou énoncer par rappel une information simple ou plusieurs informations simples du même type.
Observer, reconnaître ou énoncer par restitution les caractéristiques d'un phénomène ou les éléments constituants d'un ensemble.
Dégager le sens d'une information fournie sous une forme symbolique et/ou conventionnelle.
Traduire une information sous une forme symbolique ou conventionnelle ou transposer une information symbolique dans une autre forme équivalente.
Constater l'existence d'une relation simple entre des objets ou des phénomènes.
Faire ressortir de façon structurée la nature et l'interaction réciproque de liens complexes entre des objets ou des phénomènes.
Dans un système ou un ensemble complexe, rechercher les composantes, les relations entre les composantes et les lois ou mécanismes de fonctionnement du système.
Les habiletés pratiques
Utiliser des procédures ou des techniques en respectant des règles précises pour aboutir à un résultat attendu.
Dans le cadre d'une performance à réaliser, d'une oeuvre à produire ou d'une décision à prendre, retenir les éléments pertinents ou les meilleurs éléments en appliquant des critères de sélection et d'originalité.
Créer ou réaliser un tout complexe en intégrant divers éléments et diverses habiletés de façon pertinente, originale et organisée.
Intégrer, de façon pertinente et organisée, diverses habiletés et divers éléments aux fins de définir une problématique, de résoudre des problèmes ou de prendre des décisions.
OBJECTIFS AFFECTIFS (les attitudes)
Accepter d'être exposé à un stimulus et éventuellement manifester une disposition favorable à son égard.
Traduire par le moyen du langage ses sentiments, ses opinions, ses préférences ou ses valeurs.
Traduire dans un système cohérent d'actions ses sentiments, ses opinions, ses préférences ou ses valeurs.
Les 18 verbes qui précèdent ont été choisis et définis avec le souci d'être le plus clair et univoque possible. Il serait tentant et séduisant pour l'esprit d'associer de façon exclusive un verbe d'objectif à une catégorie et à une seule: on pourrait ainsi, à la seule lecture du verbe de l'objectif, automatiser le classement. Hélas! ce n'est pas si simple.
Deux facteurs s'y opposent et exigent une mise en garde formelle.
Un objectif ne saurait être réduit à son seul verbe d'action. Le reste de l'objectif est essentiel pour éclairer le sens de ce verbe. Par exemple, RECONNAÎTRE l'importance de relations harmonieuses au sein d'un groupe (F.P.S., primaire 2e cycle, affectif -> accueillir ) ne saurait être rapproché de RECONNAÎTRE l'équivalence de différentes notations pour un même nombre à virgule (Mathématique, primaire 2e cycle, cognitif -> interpréter ).
L'exemple qui précède relève du gros bon sens. Dans d'autres cas, il faut faire une lecture pédagogique plus fine. IDENTIFIER le rang que le Québec et le Canada occupent dans le monde quant à leur superficie respective (Sciences humaines, primaire 2e cycle) peut se lire comme un objectif exigeant une simple mémorisation par l'élève de données du type "17e rang" ou "1er rang" ( identifier ). Toutefois, il est clair que l'on souhaite que l'élève soit capable de classer, de mettre en ordre et, pour ce faire, de comparer la superficie du Québec et du Canada à celle d'autres pays. Pour cette raison, l'objectif est à classer dans la catégorie relier .
Inversement, certains objectifs peuvent donner l'impression d'une opération plus complexe qu'elle ne l'est en réalité. À partir d'une liste des parties du corps, CLASSER les parties en deux groupes: les parties qu'il voit et les parties qu'il ne voit pas (F.P.S., primaire 1er cycle) suggère l'opération de relier . La relation est toutefois tellement élémentaire qu'il ne s'agit guère que d' identifier à répétition: fesses -> cachées; oreilles -> visibles.
Les exemples ci-haut font ressortir toute l'importance d'une lecture pédagogique et en contexte de tout objectif.
Les objectifs ministériels, qui sont d'une fort bonne tenue dans l'ensemble, ont, pour la plupart, été rédigés à une époque où le concept d'habileté était beaucoup plus intuitif qu'explicite: les définitions du domaine n'existaient même pas. Que plusieurs soient formulés de façon équivoque n'est pas si étonnant. Il reste que les programmes d'études ne sont pas exempts d'anomalies, qu'il faut s'efforcer de corriger en donnant à l'objectif une interprétation parfois plus large que son strict libellé.
L'exemple le plus fréquent concerne certains objectifs terminaux. Un objectif terminal doit être, selon nous, lu et interprété à la lumière des intermédiaires qui y conduisent. Quand un objectif terminal comportant le verbe DÉCRIRE est détaillé par trois objectifs intermédiaires commençant chacun par MONTRER comment ... , l'objectif terminal doit être réinterprété et classé comme expliquer , malgré les apparences.
Malgré tous les efforts, il faut accepter que subsistent certaines zones grises inhérentes à l'activité humaine. Pour un petit nombre d'objectifs, même si le libellé est clair, c'est l'intention des concepteurs qui demeure équivoque. Dans d'autres cas, les objectifs, surtout intermédiaires, décrivent davantage une démarche ou même une activité d'apprentissage qu'un comportement à produire et n'ont d'objectifs d'apprentissage que le nom et l'apparence. Ce seraient plutôt des objectifs d'enseignement.
Il ne sert à rien de se désoler de la présence de tels objectifs dans les programmes. Il faut se contenter de les interpréter le mieux (ou le moins mal) possible en acceptant, dans cette minorité de cas, le caractère un peu arbitraire de l'interprétation.
Tant que le Ministère n'aura pas intégré de façon explicite l'identification de l'habileté ou de l'attitude dans la formulation de ses objectifs d'apprentissage, il faut résister à la tentation de l'automatisme et demeurer conscient de l'absolue nécessité d'une lecture et d'une interprétation de chacun des objectifs.
Nous pouvons maintenant présenter de façon plus explicite l'architecture des 18 catégories, telle que nous l'avons "déterrée" des objectifs des programmes. Elle est synthétisée par le tableau Taxonomie des objectifs des programmes d'études québécois .