Obligation de qui? Résultats de quoi? (page 7)


L'obligation de référentiels

La vision binoculaire ne fournit une image utilisable que si les données sont interprétées à l’aide d’un référentiel unique. Le référentiel est le fondement de toute action, puisqu’il définit ce qui est son objet et sa finalité , tandis que le plan n’en définit que les modalités . Il faut revaloriser les référentiels dans notre pratique scolaire, réaffirmer la primauté du quoi et du pourquoi sur le comment, subordonner l’efficacité à l’efficience.

Au niveau national, le Programme de formation est évidemment, en matière d’apprentissage, le référentiel par excellence. Les efforts doivent viser non seulement sa connaissance et son appropriation par tous les enseignants, mais aussi et surtout son omniprésence dans les opérations d’évaluation et de planification. Ici, il faudra être vigilant pour que les outils du comment (les manuels scolaires et les fameux « projets ») ne viennent pas court-circuiter la fonction référentielle du Programme. Il est d’ailleurs curieux de noter, parmi les obligations faites à l’enseignant par l’article 22 de la Loi sur l’instruction publique, l’absence significative de l’obligation de respecter le Programme.

Au niveau de l’établissement, c’est évidemment le projet éducatif qui constitue le référentiel majeur (mais pas exclusif, puisque des politiques locales jouent aussi un rôle référentiel). Malgré les efforts faits récemment par de nombreux établissements (les écoles primaires davantage que les écoles secondaires, toutefois) pour se donner un véritable projet éducatif, il faut constater que plusieurs écoles fonctionnent encore avec un ersatz de projet éducatif (à saveur publicitaire, fondé sur des valeurs et tenant davantage du vœu pieux que du document de référence) et ne semblent pas voir l’urgence de procéder. Et, même correct dans sa forme et dans son processus d’élaboration, le projet éducatif ne peut jouer son rôle que s’il est ensuite mis en œuvre et si on s’y réfère régulièrement dans les opérations d’évaluation institutionnelle et dans l’élaboration des plans d’action annuels de l’établissement. À ce niveau, c’est clairement aux établissements qu’il incombe de se mettre à l’œuvre. En incluant dans la Loi de l’instruction publique, l’obligation pour le conseil d’établissement de voir à l’élaboration du projet éducatif et d’évaluer sa mise en œuvre (articles 37 et 74) et en faisant à l’enseignant l’obligation de le respecter (article 22 – 7), le Ministère a fait sa part et peut difficilement aller plus loin.

Finalement, au niveau individuel, la supervision professionnelle ne peut pas s’installer sur le mode intuitif, pas plus qu’elle ne peut se faire de façon ponctuelle. Elle doit aussi s’effectuer en regard d’un référentiel reconnu. Ce référentiel, ce serait clairement un profil de compétence de l’enseignant débouchant sur un code de déontologie .

Le Ministère établit clairement (L.I.P., article 22 – 6) l’obligation pour l’enseignant « de prendre des mesures appropriées qui lui permettent d'atteindre et de conserver un haut degré de compétence professionnelle ». L’ennui, c’est que cette compétence n’est définie nulle part de façon officielle ; une obligation ainsi privée d’objet demeure alors un vœu pieux sans effets concrets. Entre les obligations très générales de l’article 22 de la Loi (on n’y inclut même pas l’obligation d’évaluer les apprentissages !) et le paramétrage presque tatillon des conventions collectives, il y a un espace actuellement vide qui pourrait accueillir utilement une définition d’authentiques normes de compétence professionnelle. Autour de ces normes pourraient s’articuler, en amont, de meilleurs programmes universitaires de formation d’enseignants et, en aval, des objectifs réels de perfectionnement et de développement des compétences ainsi que des critères d’évaluation des actes professionnels. Signalons d’ailleurs que le besoin est le même en ce qui concerne les autres personnels des établissements et, au premier titre, les directions d’école.

Ce ne sont pas les travaux qui manquent en matière de profils de compétence: nous en avons nous-mêmes produit et plusieurs spécialistes en ont également proposé. Ce qui manque, c’est l’officialisation d’un tel référentiel; ce besoin, seul le Ministère, en concertation avec les syndicats d’enseignants et les commissions scolaires, peut le combler. Ce qui nous ramène au vieux projet de création d’un ordre professionnel des enseignants et d’un code de déontologie. Il serait urgent, à notre avis, que le Ministère réactive ce dossier : on ne peut pas faire appel au professionnalisme des enseignants sans la reconnaissance officielle de ce statut professionnel, assorti des droits et des responsabilités qui en découlent.
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