DISCAS

Les nouveaux besoins de perfectionnement des directions d'école

Recherche et rédaction: Jacques Henry et Jocelyne Cormier.

Section 5: la gestion de soi-même

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LA GESTION DE SOI-MEME

La tâche de directeur d'école est appelée à se transformer profondément au cours des prochaines années, et cette redéfinition va dans le sens d'un accroissement des exigences (imputabilité accrue, multiplicité des intervenants à coordonner, changements pédagogiques, technologiques et administratifs à piloter, responsabilités diversifiées) et d'une diminution des ressources (restrictions budgétaires, réduction des personnels autres qu'enseignants).

Cette évolution peut être motivante sous certains aspects, en fournissant aux directions d'écoles des marges de manoeuvre nouvelles et en permettant la création plus facile de synergies. Par contre, la diversité des dossiers tous plus urgents les uns que les autres, l'investissement personnel requis pour assumer le leadership des diverses équipes et développer une vision à long terme, la quantité d'informations à traiter, le stress engendré par la gestion de certaines situations conflictuelles ou éprouvantes et, finalement, la solitude inhérente à l'exercice d'une fonction de responsabilité constituent autant de facteurs susceptibles de miner les énergies du gestionnaire, d'émousser son jugement ou de compromettre son équilibre personnel.

Ce souci (il serait plus exact de parler de crainte) est omniprésent chez les directions d'écoles que notre pratique professionnelle nous amène à rencontrer. Nous détaillerons dans un instant les besoins de perfectionnement que ce souci fait ressortir. Mais il faut être conscient que le perfectionnement seul ne résoudra pas tous les problèmes de cette nature. Le directeur d'école a besoin, bien sûr, de maîtriser certaines techniques (de gestion du temps ou de gestion de l'information, par exemple); mais il a tout autant besoin de pouvoir, lorsque requis, compter sur des ressources d'accompagnement, sur un réseau d'entraide (les associations professionnelles nous semblent avoir un rôle majeur à jouer dans ce domaine) et sur le support de la structure administrative. Il serait souhaitable, par exemple, que les commissions scolaires soient davantage parcimonieuses du temps de réunion qu'elles demandent à leurs directions d'écoles et allègent si possible la rigidité ou la lourdeur de certains processus décisionnels.

Cela dit, trois axes de perfectionnement nous semblent indispensables.


LE PROFIL DE COMPÉTENCE DU DIRECTEUR D'ÉCOLE

Dans ce domaine comme ailleurs, il n'y a pas de gestion ni d'amélioration possible s'il n'y a pas, au préalable, une vision claire de son rôle et des outils permettant de se situer en face du rôle attendu. Parallèlement à l'analyse institutionnelle que le directeur devra faire de son établissement, il lui faudra aussi - puisqu'il est une composante majeure du fonctionnement de l'établissement - analyser sa propre gestion, identifier ses forces, ses faiblesses et ses besoins. Il a besoin, pour cela, d'outils et, au premier titre, d'un profil de compétence.

Le rôle de directeur d'école (et la conception d'un rôle va bien au-delà d'une simple description de tâche) est actuellement en pleine mouvance. Les attentes ministérielles et celles des futurs conseils d'établissements ne sont pas encore précisées; celles des commissions scolaires et celles des enseignants sont à redéfinir; la propre perception que les directeurs d'écoles ont de leur rôle ne nous a même pas semblé fixée: entrepreneur? père ou mère de famille? leader? visionnaire? coordonnateur? rassembleur?

Il nous semble urgent qu'une instance reconnue (le Ministère pourrait jouer ce rôle), en consultation avec les premiers intéressés (les représentants des directions d'écoles), définisse clairement les compétences requises d'un directeur d'école et ce, en évitant à la fois les généralités souvent énoncées lors des processus de sélection (leadership, habiletés à communiquer, etc.) et la description de tâche (qui énumère des objets de réalisation, mais non des compétences à maîtriser). Ce profil devrait être universel et gommer tous les particularismes locaux; il devrait définir les champs d'action du directeur (ses différents mandats) en précisant, pour chacun, quelles habiletés sont particulièrement sollicitées: animer, informer, discriminer, décider, rendre compte, etc. Il devrait enfin définir des critères, voire des seuils de compétence en relation avec à la fois les mandats et les habiletés.

Des pistes intéressantes en ce sens , malgré leur caractère actuellement embryonnaire, sont proposées, provenant de sources diverses, sur le site Web de l'AFIDES.

Une fois cet outil disponible et opérationnel, le directeur d'école devrait pouvoir aussi disposer d'instruments d'analyse lui permettant d'examiner ses pratiques de gestion, de les relier au profil de compétence et de définir ses priorités et ses besoins.

Un perfectionnement d'appoint serait indiqué dans ce domaine. Signalons aussi qu'il serait également utile que les cadres scolaires, particulièrement ceux qui ont la responsabilité de superviser les directions d'écoles, bénéficient d'un tel perfectionnement.

LE LEADERSHIP

Même si le profil de compétence du directeur d'école reste encore à définir dans toute sa complexité, les directions d'écoles sont unanimes à reconnaître qu'elles ont à jouer un rôle crucial de catalyseur des nombreuses énergies requises pour faire fonctionner harmonieusement un établissement scolaire. Et elles ont parfaitement conscience qu'il s'agit là de leur responsabilité première: il n'est pas étonnant que l'imputabilité ressorte de notre consultation comme l'objet prioritaire (sur un pied d'égalité avec la gestion de soi).

Cette perception, à notre avis fort juste, qu'elles ont de l'aspect dynamique de leur rôle de gestionnaires, fait ressortir toute l'importance des qualités humaines et relationnelles de l'administrateur, de même que la primauté de ces habiletés sur les habiletés techniques. Le directeur doit être, plus que toute autre personne dans l'école, conscient du fonctionnement systémique et synergique de toutes les composantes humaines de son établissement. Le fonctionnement harmonieux d'une école dépasse la capacité du seul directeur d'injecter des énergies et de faire avancer les dossiers; il lui faut utiliser la dynamique complète de l'établissement, en comprendre les jeux de forces et les coordonner efficacement, sans perdre de vue, au-delà des fluctuations opérationnelles, les objectifs visés et la mission à accomplir.

Il lui faut de plus assumer son leadership avec transparence et respect, en résistant tout à la fois aux tentations d'autoritarisme, de laxisme ou de manipulation. Et enfin, s'il lui faut le courage d'agir, il lui faut aussi celui de justifier son action, de s'expliquer, de rendre des comptes, de s'inclure lui-même dans le processus d'évaluation institutionnelle, bref d'assumer pleinement et positivement son imputabilité.

Il ne nous semble pas, ici, que le perfectionnement (au sens habituellement entendu) soit le vecteur le plus approprié pour développer, chez un directeur qui ne les posséderait pas naturellement, ces qualités humaines de leadership. Bien plus que de théories de management, cela relève, selon nous, d'un processus d'accompagnement qui interpelle au premier titre les cadres scolaires ayant le mandat de superviser et d'aider les directions d'écoles.

LA GESTION DES ACTIVITÉS

La fonction de directeur d'école, comme toute fonction qui repose principalement sur un travail avec des êtres humains, exige des qualités personnelles relevant des valeurs de référence, du sens moral, de la sensibilité, de l'équilibre affectif. À cet égard, le bon directeur d'école doit d'abord être un humain accompli et équilibré.

Il n'entre pas dans notre propos de recommander ici la tenue, dans un cadre professionnel, de sessions de perfectionnement orientées vers la croissance personnelle et l'hygiène mentale. C'est à chaque individu, en tant qu'individu et non en tant que gestionnaire, à identifier ses besoins personnels dans ce domaine et à se donner les moyens de les satisfaire. Cela n'en diminue en rien la nécessité, cependant.

Cela dit, trois domaines particuliers de la gestion de soi-même nous semblent rejoindre plus particulièrement le gestionnaire scolaire dans sa dimension professionnelle.

La gestion de l'information

Dans une société en transition, la quantité d'information, déjà considérable, s'amplifie et son rythme s'accélère. L'arrivée en force des TIC en facilite l'accès, mais en complexifie la gestion. S'il n'y prend garde, le gestionnaire "branché" peut facilement passer une ou deux heures quotidiennement à donner suite à son courrier électronique, à retourner des appels téléphoniques et à se tenir au courant des nombreux développements dans le domaine de l'éducation; sans parler des nombreuses communications provenant de la commission scolaire et du Ministère, ainsi que des sollicitations de toute nature dont un établissement scolaire est quotidiennement l'objet. La masse d'information à traiter est considérable et le sort fait à tel ou tel document dépend souvent d'une décision prise en l'espace de quelques secondes, souvent sur une base intuitive ou sous la pression des circonstances.

Il importe que le gestionnaire définisse clairement ses priorités en matière de traitement de l'information, de façon à pouvoir la sélectionner de façon efficace, la retrouver rapidement lorsque nécessaire et en organiser le stockage de façon simple et efficiente. Il importe également qu'il puisse utiliser de façon optimale les ressources humaines, même limitées, qui peuvent l'aider dans cette tâche: secrétaire, technicien en documentation, etc. Il existe des techniques permettant de répondre à ce besoin, et un perfectionnement ponctuel en ce sens rendrait certainement des services précieux aux directions d'écoles.

Ouvrons ici une parenthèse pour signaler l'importance de créer, en nombre limité, des carrefours permettant aux directions d'écoles d'avoir accès à des synthèses de l'information utile pour elles. Notre expérience de l'Internet en éducation nous amène à constater que l'information pertinente est souvent disponible, mais éclatée, dispersée ou encore sous forme brute. Il est anormal, selon nous, que des instances nationales telles que le MEQ et les associations professionnelles ne puissent encore offrir, sur un site Web centralisé, des résumés, des revues de presse, des banques organisées de signets, des "abstracts", des FAQ (foires aux questions), etc.

La gestion du temps

Dans nos sociétés évoluées dites "monochrones", le temps alloué aux diverses tâches et l'ordre dans lequel s'effectue son allocation devraient refléter fidèlement l'importance relative que l'on accorde à chacune. Or, l'expérience quotidienne nous démontre que c'est loin d'être toujours le cas. En situation de service, sollicité de toutes parts, pressé davantage par les situations d'urgence que par les dossiers importants, le directeur d'école n'a, dans la pratique, qu'un contrôle très relatif sur son agenda. Souvent, il lui manque même le temps de gérer son temps!

Cette pression amène souvent des situations non désirées: certains gestionnaires se retrancheront dans leur bureau et deviendront moins accessibles; d'autres se trouveront, sans l'avoir nécessairement voulu, à déléguer dans les faits des décisions qui leur incomberaient au premier titre; d'autres, enfin, allongeront leur temps de présence ou de travail jusqu'à hypothéquer sérieusement leur santé, leur vie personnelle ou leur équilibre affectif.

De nombreuses ressources de perfectionnement existent dans ce domaine, bien que la plupart soient orientées vers le support aux gestionnaires d'entreprise plutôt que vers les écoles. Un perfectionnement adapté à la réalité d'une école primaire ou secondaire et fournissant des techniques pratiques de planification, de priorisation, de délégation et d'organisation des activités constituerait un outil précieux pour les directions d'écoles.

La gestion du stress

Enfin, le rythme des activités, le nombre et la diversité des interactions, l'importance des enjeux sous-jacents à certaines prises de décision constituent autant de facteurs de stress pour le gestionnaire scolaire. En fait, toutes les tensions présentes dans l'école finissent par se répercuter sur lui, qui doit, selon les cas, les désamorcer, les résoudre, les concilier ou les subir.

Le stress ainsi accumulé chez le gestionnaire compromet, à long terme, le bon fonctionnement de l'établissement, en réclamant des énergies qui seraient plus utiles ailleurs et en hypothéquant le temps de réflexion et de mûrissement nécessaire aux prises de décision éclairées.

Dans un domaine où les facteurs de personnalité, de style, d'habitudes de travail et de vie sont d'une telle importance, il n'existe pas de recette universelle. Mais il existe, à partir de certains principes généraux, une grande diversité de techniques permettant au gestionnaire d'acquérir un meilleur contrôle de son action professionnelle, de tirer davantage de gratifications affectives de son travail, de conserver une relative sérénité dans les situations problématiques, de façon que le stress inhérent à la fonction soit davantage "agi" et moins "subi". Le développement d'une attitude préventive dans ce domaine, ainsi que la connaissance des ressources disponibles et la maîtrise de certaines techniques appropriées à sa personnalité et à sa situation professionnelle constituent, à notre avis, des objets de perfectionnement utiles, voire indispensables, pour chaque direction d'école.

Sur chacun de ces objets, un perfectionnement d'appoint est souhaitable.

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