L'intégration des nouveaux enseignants
Ce texte a été produit pour le compte de la Fédération des établissements d'enseignement privé (F.É.E.P.). La problématique qui y est étudiée est actualisée en fonction des spécificités de l'enseignement privé mais, sur le fond, est applicable à toute école, publique comme privée.
Présentation
1.1 POURQUOI UN CADRE DE RÉFÉRENCE POUR L’INTÉGRATION DES NOUVEAUX ENSEIGNANTS?
Le présent document est un guide destiné aux directeurs d'établissements privés. Il vise à présenter la problématique de l’intégration des nouveaux enseignants dans un établissement d’enseignement privé et à fournir aux gestionnaires les éléments essentiels à l’élaboration locale d’une éventuelle politique et d’un guide de procédure.
Dans la conjoncture actuelle, l’intégration des nouveaux enseignants est un dossier d’une brûlante actualité. Même si le phénomène des prises de retraite a été, dans l’ensemble, moins marqué dans les établissements privés que dans le secteur public, le profil démo-graphique général des personnels enseignants a déjà commencé à créer, dans les établis-sements, un renouvellement substantiel des effectifs professionnels. L’arrivée d’un nouvel enseignant dans une école, qui était autrefois un phénomène marginal, est maintenant une réalité habituelle et fréquente, qu’il importe donc de gérer de façon intentionnelle et structurée.
Comme dans toute entreprise, l’intégration réussie d’un nouveau membre du personnel est sans doute l’investissement le plus rentable qui soit. Dans la réalité moderne d’une éco-nomie du savoir, les ressources humaines constituent en effet la plus grande richesse d’une entreprise. Les efforts faits pour acquérir, développer et retenir ces ressources hu-maines se traduisent par des bénéfices institutionnels répartis sur toute la durée de l’emploi… ce qui, dans certains cas, peut signifier toute une carrière. Investir dans l’intégration d’un nouvel enseignant, c’est donc traduire dans la réalité de la gestion une préoccupation de développement institutionnel à très long terme.
Cette nécessité fonctionnelle se double, dans les établissements privés, d’une nécessité historique. En effet, pour bien des établissements privés, le maintien d’une image de marque et le respect des meilleurs éléments d’une tradition laborieusement bâtie au fil des décennies constituent, à terme, une condition d’excellence, voire de survie dans certains cas.
Or, depuis plusieurs années, les établissements privés ont vécu de nombreux changements qui rendent plus difficile la conservation de cette culture institutionnelle. Les processus de relève institutionnelle, la mobilité accrue des personnels favorisée par la libération de nombreux postes d’enseignants dans le secteur public, la cloison de moins en moins étanche entre secteur privé et secteur public dans la sélection des cadres et des enseignants, l’uniformisation des curriculums, voilà autant de facteurs qui accroissent le risque de dissolution graduelle de l’identité institutionnelle et donc du sentiment d’appartenance du personnel à l’établissement.
Une procédure d’intégration des nouveaux enseignants ne pourra pas, seule, remédier à tous ces problèmes. Il s’agit d’un contenant dont l’efficacité sera fort limitée si le contenu (les normes d’efficacité professionnelle et les éléments de la culture institutionnelle) est inexistant ou demeure dans l’informel de la tradition orale.
Même si ce n’est pas l’objet du présent document, il reste que certain préalables institutionnels doivent être réunis pour qu’une éventuelle politique d’intégration des nouveaux enseignants puisse trouver une certaine efficacité et même, tout simplement, son sens.
1.2 LES PRÉALABLES
Ces préalables sont de trois ordres: le projet éducatif, la sélection du personnel et la supervision professionnelle.
Intégrer un nouvel enseignant, c’est non seulement lui permettre d’être rapidement fonctionnel dans son nouvel environnement professionnel; c’est surtout lui permettre de se mettre rapidement sur la même longueur d’onde éducative que le reste du personnel; non seulement d’accomplir sa tâche individuelle, mais aussi d’apporter une contribution de qualité à la tâche collective.
Pour cela, il faut que la longueur d’onde collective existe, d’une part, et que, d’autre part, elle soit définie, connue, transmissible et transmise. Dans un établissement d’enseignement, c’est clairement le projet éducatif qui joue ce rôle. Même si, contrairement aux écoles publiques, les établissements privés ne sont pas légalement tenus de se donner un projet éducatif formel, nous croyons qu’un tel texte de référence est un outil essentiel de cohérence et de développement. Le projet éducatif, en effet, constitue la mémoire de l’établissement et garantit que les normes de la pratique professionnelle, les « façons de faire » qui incarnent au quotidien la culture institutionnelle, survivent aux mouvements de personnel et au départ de certaines personnes-clés. Sans projet éducatif, l’intégration des nouveaux enseignants s’effectue à vide : elle comble un trou administratif, soit, mais elle ne contribue pas au renforcement d’une culture institutionnelle.
Le second préalable concerne la sélection du personnel. L’intégration, aussi élaborée soit-elle, a ses limites et ne peut intégrer que des individus intégrables au départ. Le processus d’enculturation institutionnelle de l’enseignant doit donc commencer dès l’entrevue de sélection. Il est donc essentiel que ce processus ne se limite pas à une vérification des qualifications et des compétences professionnelles du candidat; il doit aussi inclure une évaluation de la compatibilité des valeurs et de la personnalité de ce candidat avec le projet éducatif de l’établissement. On ne saurait trop insister sur l’importance, pour une établissement, de se doter d’un profil institutionnel de compétence de l’enseignant qui inclue non seulement les compétences propres au métier d’enseignant mais aussi les conditions particulières de leur actualisation dans le contexte précis de l’établissement.
Finalement, il ne suffit pas d’avoir embauché un jeune enseignant prometteur et de l’avoir piloté sans encombres à travers les premières semaines de sa pratique professionnelle chez nous. Comme tout processus de croissance, le développement d’un nouvel employé est un processus continu et à long terme. Dans une école, cela prend la forme d’une supervision professionnelle active et aidante, où l’on retrouve, selon les moments et les besoins, des dimensions d’accompagnement, d’encadrement, d’évaluation et de perfection-nement. Sur cette question, nous renvoyons le lecteur à la Politique de développement des ressources humaines élaborée nous en mai 2000.
Pour les fins du présent document, nous supposons donc qu’un établissement qui souhaiterait se doter d’une politique d’intégration des nouveaux enseignants dispose préalablement :
Même si l’on ne dispose pas, dans l’établissement, de ces préalables formels, il faudra bien néanmoins accueillir et intégrer le nouvel enseignant: on le fait, d’ailleurs, depuis des années, et les pages qui suivent contiennent des conseils utiles qui pourront enrichir les habitudes locales en cette matière. Mais il faut demeurer conscient que toute procédure, aussi fonctionnelle soit-elle, n’a qu’une efficacité limitée en l’absence de référentiels (projet éducatif et profil de compétence) et de suivi (supervision professionnelle).